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dimanche 18 mars 2012

Ces riches qui s'installent en Belgique

Ces riches qui s'installent en Belgique

On ne peut échapper à la déferlante médiatique sur la présidentielle française avec son lot de débats et de déballages, de contradicteurs et de gifles impromptues à coup de brochure sur le programme électoral. Le chômage, l'immigration, la crise économique, la crise de l'euro, la santé et, le plus interpellant pour la belge que je suis, le débat que mène aussi bien François Hollande que Nicolas Sarkozy sur les exilés fiscaux. Il y aurait donc de riches français, artistes, sportifs et chefs d'entreprise, qui quitteraient la France pour trouver le "paradis" en... Belgique ! Comment et pourquoi cela est-il possible ? Moi qui ne comprends pas plus le mandarin que le jargon économique, j'avais pourtant cru comprendre il existait en France un bouclier fiscal plutôt favorable aux plus riches de nos voisins. Alors que font-ils en Belgique ? En tant que citoyenne attachée à sa région (la Wallonie) je ne suis qu'une observatrice qui a parfois beaucoup de difficultés à comprendre les tenants et les aboutissants d'une politique ou d'une décision prise au nom de la collectivité. Prenons ma ville, La Louvière, sinistrée économiquement, (la province du Hainaut fait peine à voir et cela quelle que soit sa région ou sa commune) elle abritait la légendaire usine de faïencerie Royal Boch. Celle-ci n'en finit pas d'être démantelée (démembrée ?) mur après mur, dans une longue agonie, sous le regard résigné des louvièrois qui ne peuvent s'empêcher de lorgner vers elle dès qu'ils négocient le rond point de la gare du Centre. Pendant 170 ans, la manufacture Royal Boch fut une véritable fierté à La Louvière. Comme le souligne un descriptif sur un des sites officiels de la marque " La réputation internationale de cette faïencerie belge établie à La Louvière est le fruit d'une grande aventure qui mêle depuis le XIXe siècle des créations exceptionnelles et des noms prestigieux".

Usine Royal Boch(  avant)

Site Royal Boch (aujourd'hui)

Alors comment en est-on arrivé là ? c'est une histoire longue et compliquée d'une famille industrielle qui se scinda en deux et dont la branche germanique n'en finit pas de faire fructifier la marque outre Rhin sous le nom de Villeroy et Boch, alors que celle qui resta implantée à La Louvière ne fit preuve d'aucune initiative ou projection innovante en faveur de la marque. Et puis la Chine, dit-on. La Chine et ses prix casés, la Chine et sa main d’œuvre bon marché, la Chine et ses vraies raisons mais aussi les fausses excuses dont il est facile d'user pour expliquer les stratégies hasardeuses et les choix regrettables. Au final donc, des ruines à la vision d'apocalypse en plein Centre ville pour remonter le moral des 20 % de chômeurs hennuyers qui ne voient plus le bout du tunnel de la crise économique. Et à côté de ça, notre petit pays serait un paradis fiscal pour les grandes fortunes. Du délire !!! Pour échapper à l’impôt sur les grande fortune (l'ISF), de plus en plus de patrons de PME et de cadres détenteurs de stock-options prennent le chemin de la Suisse, de la Grande-Bretagne et de notre Belgique. Notre royaume qui ne taxe ni la fortune ni les gains boursiers, est l'objet d'une double immigration fiscale: des Pays-Bas et de France. Chez nos voisins du Nord, l'impôt sur la fortune qui existait depuis la fin du 19e siècle a été formellement supprimé en 2001. Mais pour être remplacé par un impôt de 30% sur le rendement du capital (...) Cela fait des années que les riches Néerlandais s'installent en Belgique pour des raisons fiscales. Lieu de prédilection: tout le long de la frontière, sur une zone qui va de la chic banlieue nord d'Anvers jusqu'aux Fourons (proches de Maastricht), en passant par la Campine (...)1

S'il nous était possible de survoler les choses pour les percevoir en hauteur on pourrait observer les très riches pour qui l'argent est une fin en soi au point de jouer de tous les stratèges pour en garder le plus possible (par des moyens légaux ou illégaux) et puis les autres, nous, la grande majorité, pour qui l'argent est uniquement nécessaire au maintien de la tête hors de l'eau (et peut-être trouver un équilibre heureux ). Entre ces deux pôles, les politiques qui ne savent plus où puiser, qui taxer, qui épargner etc. On laisse tranquille les chômeurs chef de famille parce qu'ils sont au chômage et chef de famille mais on se rappel au bon soin des travailleurs précaires parce qu'ils travaillent même s'ils sont précaires.

Vers notre pays, le flux les plus actifs, pour le moment, vient donc de France, où l' émigration est encouragée par des publicités publiées dans Le Figaro (quotidien notoirement de droite )et divers journaux financiers. Beaucoup des capitalistes exilés reçoivent l'aide de «passeurs» c'est le terme utilisé. Lesquels n'hésitent pas à demander 8.000 euros par consultation. Ils justifient ces honoraires par les «350 analyses et rapports à éplucher concernant uniquement les problèmes liés à la Convention fiscale franco-belge.»1 L'un de ces passeurs explique que si, naguère, la Suisse était la plus prisée, «aujourd'hui, le nirvana des riches, c'est la Belgique. Et dans le plus scrupuleux respect des lois. A son arrivée à Bruxelles, un émigré français ne doit même pas négocier ses impôts comme à Genève.»(MarcoVanHees Publié dans Solidaire le 1er février 2006)




Dans un article sur les exilés fiscaux je suis tombée sur cette croustillante observation : Dommage que tous les Français qui viennent habiter en Belgique ne célèbrent pas leur arrivée comme l'a fait Anne-Marie Mitterrand, il y aurait une fête toutes les semaines... Ah, le sourire du député bruxellois Yves de Jonghe d'Ardoye lorsqu'il raconte les agapes des expats venus de France. Il y a trois ans, la nièce par alliance de l'ancien président de la République avait organisé une grande soirée pour son obtention de la nationalité belge. Pleine d'humour, la maîtresse des lieux avait imaginé un carton d'invitation en forme de passeport et invité Michel Barnier, alors représentant de la France à la Commission européenne. L'histoire ne dit pas si les Halley (Promodès-Carrefour), Mallart (Novalliance), Taittinger et autres convives français qui ont quitté la France pour échapper à l'impôt sur la fortune inventé par l'oncle d'Anne-Marie ont goûté l'ironie de la situation... Ce qui est certain, c'est que la plupart de ces riches expatriés fiscaux - qui débarquent par Thalys entiers - évitent d'annoncer leur arrivée au champagne.

1http://frerealbert.be/fiscalite/impt-sur-la-fortune/la-belgique-ses-frites-sa-bire-ses-refuges-pour-grosses-fortunes/