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mercredi 19 janvier 2011

Interview accordée à Olivier Henskens pour la Nouvelle Gazette

 

Selon Malika Madi, l’Algérie n’est pas encore prête à connaître de nouveaux troubles
L’Algérie connaît des troubles depuis six jours. Quatre personnes ont tenté de s’immoler par le feu. En Tunisie, un acte identique avait déclenché les émeutes qui ont finalement provoqué le départ du président Ben Ali. Alors, risque-t-on de voir la même chose arriver en Algérie? Pas tout de suite, selon Malika Madi, l’écrivaine houdinoise d’origine algérienne.
L’Algérie, Malika Madi connaît bien. Dans ses romans, elle parle souvent de la condition de la femme, notamment musulmane, et, dans “ Les Silences de Médéa ”, qui sera bientôt adapté en film, elle parle de l’Algérienne, plus précisément. L’Algérie, ce sont ses racines, même si elle est née à La Hestre. Du coup, elle suit d’un œil attentif les événements qui touchent son pays d’origine depuis près d’une semaine. Comme en Tunisie, des troubles secouent l’Algérie. Comme en Tunisie, la faim et le manque de perspectives des jeunes sont à l’origine de suicides et de manifestations. Mais le parallélisme s’arrête là. Car selon Malika Madi, le pays dirigé depuis 1999 par Abdelaziz Bouteflika n’est pas encore prêt à entrer dans une nouvelle révolution.
Les premiers problèmes de l’Algérie actuellement, ce sont la faim, le chômage et le pouvoir d’achat qui est trop faible: “ Mais le gouvernement vient d’annoncer des mesures pour lutter contre les prix excessifs. Et je pense que cela devrait calmer la population. ”  Pas parce que les Algériens n’ont pas d’autres problèmes mais plutôt parce qu’ils ne sont pas prêts à replonger dans des troubles: “ Il ne faut pas oublier que, contrairement à la Tunisie, l’Algérie sort tout juste d’une guerre civile qui fut extrêmement violente. Des milliers de personnes sont mortes. Les troubles entre l’état et les extrémistes musulmans n’ont pris fin qu’en 2001 et l’Algérie a connu des attentats jusqu’en 2005, 2006. Je crois que la population est fatiguée. ”

De là à dire qu’une révolution similaire à celle de la Tunisie est impossible en Algérie, il y a un pas qu’elle ne franchit pas: “ Je pense que le futur de l’Algérie, comme le futur d’autres pays tel la Libye ou l’Iran, dépend de ce qui va se passer en Tunisie dans les semaines et les mois qui viennent et pas de ce qui vient d’arriver. Si la Tunisie parvient à créer une vraie démocratie, ce qui est très compliqué, et que grâce à cela, elle arrive à se sortir du marasme économique où elle croupit, alors je pense qu’elle servira d’exemple que d’autres peuples voudront suivre. Mais le danger de voir un chaos plus grand encore s’installer à Tunis existe aussi. Dans ce cas-là, les autres pays pourraient bien ne pas bouger. ”

La révolte viendra du peuple. Et pourtant, on est encore loin de connaître la démocratie en Algérie: “ La liberté de pensée est pratiquement inexistante. Des chefs de rédactions sont toujours enfermés là-bas. Même si ce n’est sans doute pas aussi grave qu’en Iran car il existe tout de même des journaux et des journalistes de qualité, certains sujets restent totalement tabous. La corruption est élevée au rang d’institution et le pouvoir, très fort, ne se renouvelle pas. Donc non, on ne peut certainement pas dire que l’Algérie est une démocratie et il est certain que je préférerais qu’elle le devienne. ”

Et pour cela, il n’y a sans doute qu’une solution, une révolte similaire à celle de la Tunisie: “ Mais une révolution est toujours sanglante. C’est pour cela qu’elle doit absolument venir du peuple. Elle ne pourra fonctionner que si c’est le peuple qui décide de quand et comment elle se déroule. ” Or, selon elle, l’Algérie n’est pas prête à cela pour l’instant.
Les troubles en Algérie sont-ils comparables à la révolte tunisienne? Sans doute pas tout à fait. P.N.

L’Algérie n’est pas la Tunisie


Pour Malika Madi, l’Algérie est fort différente de la Tunisie. P.N.
n.c.
Différences et points communs
L’Algérie et la Tunisie ont des points communs. Et pourtant, selon l’écrivaine houdinoise Malika Madi, le peuple algérien n’est pas prêt à suivre la révolution tunisienne. Car les deux pays ont aussi de grandes divergences.

Mais commençons par les points communs: “ Ils ont une frontière commune. Ensuite, ce sont deux pays avec une base musulmane. Ce sont deux anciennes colonies françaises, même si les deux occupations ont été différentes. Ce sont aussi deux pays qui, depuis leur indépendance, n’ont pas encore connu de vraie démocratie. ”

Mais la pratique du pouvoir s’est faite de manière différente: “ En Tunisie, c’est le couple présidentiel qui était très fort et dirigeait le pays. En Algérie, c’est l’armée qui est très puissante. Certains disent même que c’est elle qui dirige dans l’ombre du président Abdelaziz Bouteflika. ”
Une force qui s’explique par l’histoire récente du pays: “ Une révolte comme celle des Tunisiens, l’Algérie en a déjà connu une... avec une issue peu favorable. C’était il y a 20 ans. Mais à l’époque, au lieu de fuir, le pouvoir a répondu aux troubles acceptant le pluripartisme. ”
Ce qui a ouvert la porte aux islamistes. En 1992, le Front Islamique du Salut remporte haut la main le premier tour des élections législatives: “ Ils avaient basé leur campagne sur des propos très populistes. Le pouvoir a alors pris peur et a déclaré que les élections avaient été truquées. Le FIS n’a pas atteint le pouvoir et s’est posé en victime. ”

Peu de tourisme en Algérie
Les extrémistes se sont organisés en groupes armés et la guerre civile a débuté. Elle a duré près de dix ans et a permis à l’armée de renforcer son pouvoir: “ Cela explique que les Algériens n’ont pas envie de se relancer dans une révolte aujourd’hui. Au contraire des Tunisiens qui, eux, ont assez bien réussi, jusque-là, à empêcher la montée de l’extrémisme. ”
Mais une autre grande différence existe: “ Le tourisme. Depuis 20 ans, les Tunisiens côtoient l’Occident en permanence. Ils voient toutes les richesses des touristes et souffrent donc de ce qu’ils ne peuvent avoir. Contrairement à la Tunisie, l’Algérie possède du pétrole et n’a pas misé sur le tourisme pour développer son économie(...)
Pour Malika Madi, l’Algérie est fort différente de la Tunisie. P.N.

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